Un moine de Shu, serrant contre lui sa précieuse cithare,
Est descendu de l’ouest, du mont Emei.
Pour moi seul il consent à toucher l’instrument ;
J’entends bruire les pins de mille et un ravins.
L’eau qui court purifie le coeur du voyageur ;
L’écho fait résonner le bourdon pris de givre.
On ne sent pas le soir tomber des monts de jade
Ni le ciel bas et lourd de nuages d’automne.
(Traduction : Alain PRAUD)
* Le qin (ch’in) est une cithare à 5 ou 7 cordes dont on joue horizontalement. L’instrument n’est mentionné que dans le titre ; le reste du poème procède par allusions et connotations.
* Comme la plupart des poèmes de Li Bai (Li Bo, Li Po, Li Tai Po), et il en a laissé un bon millier, celui-ci est en vers pentasyllabiques. En français l’alexandrin est à peine suffisant, encore ne rend-il pas compte de toutes les nuances.
D’autre part il est impossible, sans nuire gravement au sens, de transposer la rime des vers 4, 6 et 8 : song (les pins), zhong (les cloches musicales), chong (épais, pesant : plusieurs couches de nuages). « Bourdon » ne rend que très imparfaitement le carillon de cloches tubulaires en bronze, instrument bien plus ancien que la cithare, et qui, fixant les hauteurs de la gamme pentatonique, concourt à l’harmonie universelle (le nombre cinq = les 4 orients + le centre).