Quoique de culture catholique, et je la revendique (voir « Dieu est partout… », 10/09/2011), je n’ai jamais eu de grandes affinités avec les papes. Surtout quand je fus devenu communiste, m’objecterez-vous avec raison (« Bolcho sinon rien », 5 épisodes, octobre 2010) ; avec raison, mais petit esprit. Car le catéchisme catholique tel que je l’ai connu et ça s’est accentué depuis jusqu’à la caricature, ne parle que d’amour, de sacrifice par amour, de la joue gauche qu’on tend après s’être fait savater la droite, etc. Pas comme ces concurrents qui proclament « Pour une dent, toute la gueule », ou « Si tu me dessines je t’explose ta race ». Oh que nenni, la voilà la blanche hermine, vieille France e tutti quanti, malheureux. Dieu est amour nom de Dieu, point final. Pas si éloigné en définitive de la vulgate marxiste, dont ne reste aujourd’hui rien d’autre ou presque. Sinon une aversion prélogique pour les USA, et bien sûr pour Israel, leur clone damné. Sachant que l’affaire Dreyfus n’est pas loin, même pour certains c’était hier, et Dreyfus est coupable, point.
J’ai fait exprès de reproduire une conversation de fin de banquet dans les années que vous voudrez. Souvent ça finissait comme ça, il était 18h le 31 décembre, allez une petite heure de pétanque avant l’apéro. Mais dès le 1er janvier les questions ressurgissent. Oui, même quand on a un évêque dans la famille c’est vrai que les papes on s’en fout un peu, parce qu’on a aussi un papi qui prétend s’être fait faire des douceurs par les religieuses de l’hospice où il était replié en 1915 criblé d’éclats d’acier. On se disait que probablement ils avaient tous un peu raison, c’était pas si grave de s’opposer à cette époque sans jihadistes. D’ailleurs du pape on ne parlait jamais, pourquoi ajouter un sujet de discorde sans objet ?
En réalité le pape n’était pas un sujet.
Pourtant il aurait dû, au moins depuis Pie XII, tôt vilipendé pour son attitude pour le moins attentiste sinon complice dans l’envoi à la mort des juifs italiens, spécialement ceux de Rome, convoi que sans conteste il aurait pu empêcher de sa seule autorité et il ne l’a pas fait. Il y a eu une pièce, allemande en plus, « Le Vicaire », et puis ce film « Fellini-Roma » où on voit un pontife somnolent assister à un défilé de mode ecclésiastique et parfaitement bouffonne. Bref la majesté du titre se perdait. Quand vint JP2 qui n’est nullement le sujet de ce post.
Car je veux seulement dire quelques mots de Francesco qui est juste le contraire de ses prédécesseurs. De tous.
D’abord il n’est pas italien, ni même européen, mais argentin (certes d’origine italienne, ça a dû jouer en sa faveur : le pape est aussi l’évêque de Rome, et la Curie est farcie d’Italiens, souvent romains). Comme prélat de Buenos-Aires il s’est frotté à la misère des quartiers comme on dit, et la simplicité de sa vie faisait déjà jaser. Puis il est jésuite. Des Jésuites on a dit pis que pendre, à commencer par Voltaire leur ancien élève (qui prétendait avoir appris chez eux « du latin et des sottises »), et leurs manières diplomatiques ont si mauvaise presse, surtout depuis la Révolution, que leur nom est devenu un quasi synonyme d’hypocrites. Or ils furent la fine pointe de l’Education, avec notamment une pédagogie théâtrale révolutionnaire, et iront jusqu’à tenter des expériences politiques proches de l’utopie, comme au Paraguay justement, pas si loin de l’Argentine. Et puis contrairement à ses prédécesseurs plus gourmés il s’est vite fait connaître par un franc-parler auquel on n’était pas accoutumé, d’abord en sermonnant publiquement la Curie elle-même qui n’avait jamais eu à endurer ça, inchangée en gros depuis Du Bellay et ce qu’il en a écrit (« Marcher d’un grave pas… ») ; ensuite et surtout en disant sa pensée sur tous les faits de société qui touchent le catholique de base, et derrière lui tout le monde. Dans son discours le divorce est absous, l’homosexualité n’est plus un blasphème, les avortées cessent d’être criminelles…Feu mon père qui racontait candidement s’être fait moucher à Lourdes par un confesseur espagnol à qui il avait confié jurer parfois le nom de Dieu (« Vous aimeriez que vos enfants vous crachent à la figure ? ») doit se retourner dans sa tombe, mais de ravissement j’espère.
Et puis il y a plus, puisqu’il y a des textes, une encyclique même consacrée non à l’environnement voire à l’écologie comme on le dit vite, mais à la place de l’homme dans la nature. Sans aller jusqu’à la postulation spinoziste faisant de Dieu quelque chose comme la nature, et réciproquement (position candidement tenue par maint écologiste contemporain), le pape François met le fidèle, et pas seulement lui, devant sa responsabilité entière, à une hauteur où la morale rejoint la géopolitique bien comprise : non, l’homme moderne ne peut plus se croire maître et possesseur de la nature, et surtout pas se croire en cela dépositaire d’un mandat divin (ce qui, soit dit en passant, revient à contredire la lettre des Ecritures) ; oui, les grandes crises voire les fléaux universels de demain seront, si nous n’y prenons garde, causés directement par nos prétentions sur l’ordre naturel, qui reste celui de Dieu créateur et arbitre, avec cette responsabilité immense et rarement interrogée avec cette acuité, cette urgence, du libre-arbitre laissé à la créature, et dont elle mésuse.
Je sais, j’ai l’air de parler en théologien, et cela ne m’est pas habituel ; quoique, quand je relis d’anciens articles…Enfin, pour résumer, le chrétien qui violente sans vergogne la nature (tiens, par exemple ces culs-bénits d’éleveurs brésiliens qui font un bétail à deux balles en détruisant la forêt amazonienne et ses habitants Amérindiens, au besoin en s’aidant de pistoleros) ne doit plus, mais plus du tout, se croire exonéré de ses crimes par un regard d’En-Haut, au contraire même puisque Jésus n’est pas le frère de ces gens ou si peu mais d’abord de leurs victimes, humaines, animales, végétales. A tous, oppresseurs comme opprimés, Dieu a donné le libre-arbitre (concept majeur pour les Jésuites), la liberté d’agir en fonction du bien et du mal, du bien pour eux et du mal pour tous et inversement ; et sans un bon usage de ce libre-arbitre, à défaut d’en avoir usé raisonnablement qu’on ne vienne pas demain accuser Dieu d’avoir permis des cataclysmes, sécheresses et tsunamis, cyclones et migrations humaines massives, guerres civiles, épurations ethniques e tutti quanti. Je ne dis pas que Jésus s’en lave les mains, non quand même, mais vous m’avez compris.
(Le sulfureux Mgr Gaillot, évêque de Parthénia c’est à dire de nulle part, récemment reçu en audience privée, affirme que le pape lui a dit : « Jésus frappe à la porte de l’Eglise, mais de l’intérieur : il demande à sortir ». Si cette phrase est authentique c’est une bombe théologique)
Je demande pardon à François si j’outrepasse un peu sa pensée et ses intentions. Mais si ça se trouve je reste en-deçà, car l’animal ne peut pas tout dire. Déjà que mon fils est persuadé qu’il va finir assassiné… Malin comme un pape d’avant il donne ici et là à ses ennemis de l’intérieur un bout de nougat, un macaron de chez Ladurée, une carotte de son jardin : tiens l’église intégriste de saint-machin je t’autorise à donner l’absolution générale pour l’Année Sainte que je viens de décréter ; et, euh, un ambassadeur homo de la France au Saint-Siège, disons que ça peut attendre ? Eh oui, toujours les Jésuites. Mais voici un pape qui rêve tout haut d’aller manger une pizza incognito comme n’importe qui ; qui dédaigne son immense palais pour un petit deux-pièces, et fustige publiquement un cardinal installé dans 500 m2 ; qui au volant de sa voiture va s’acheter ses lunettes chez l’opticien…Bien sûr que l’opticien en pleure de joie (et quelle pub !) et que sa vitrine est assiégée par une nuée de paparazzi. Et bien sûr que François savait qu’il en serait ainsi. Il ne lui reste plus qu’à sortir en jeans et en blouson ; mais on le reconnaîtrait encore plus vite, c’est à craindre. Un sacré numéro ce Francesco. Le premier à avoir choisi ce nom-là, allez savoir pourquoi. D’ici qu’il parle aux moineaux…
Alain PRAUD
Un personnage plus ouvert que ses prédécesseurs (il ne doit pas avoir que des amis, parmi « les siens » !)
« Et l’angélus, ding, qui résonne
Et si en plus, ding, y a personne… » (Alain Souchon)
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