Mono no aware, 12 : Fascisme et homophobie (c’est celui qui le dit qui l’est)

Dans le soi-disant débat sur le mariage gay, l’adoption, etc, on oublie souvent une chose : ce débat est derrière nous, on en est au stade de l’aller-retour parlementaire, éventuellement quelques amendements, et basta. Ceux qui prétendent prolonger la dispute sont, sinon dans l’illégalité, au moins dans une illégitimité flagrante. Ou alors il faut réviser les règles de la démocratie parlementaire, ce qui toujours sent le soufre, car les démons (les extrêmes) y montrent le bout de l’oreille et davantage (avant de voir le loup on en voit la queue). Ce pourquoi l’actualité est encombrée de diablotins qui s’agitent, par le charivari a minima, au pire par l’agression physique de couples homo, et jusqu’au saccage d’un bar gay, sous l’oeil humide d’attendrissement – quoi qu’elle en dise – de la moitié de la droite au moins, parlementaires compris.

Car la droite est homophobe, quasi par nature et origine – quelques élus UMP, voire anciens ministres, en savent quelque chose. La droite actuelle en France est issue de la Restauration (1815-1830), autrement dit de la revanche sur la Gueuse (la République), qui certes n’avait pas donné libre cours à la pédérastie comme on disait, mais enfin avait abattu et piétiné la vraie religion, l’anti-Sodome. Les Barrès, les Drumont, les Maurras des belles années de la IIIème République, communiaient volontiers dans l’exécration des « invertis », souvent associés, allez savoir pourquoi, à la « juiverie » cosmopolite, efféminée, hypocrite aux longs doigts crochus (image plus tard usée par Thorez, à propos de Léon Blum – franchement, il aurait dû s’abstenir). Finance internationale = inversion des lois de la nature = engeance contre nature = invertis. Equation imparable, et populaire hélas.

Seulement voilà : en plein accord avec Freud (sur ce point au moins), j’observe que les plus échauffés défenseurs du modèle hétéro (qui se souvient du Dr Amoroso face à Jean-Louis Bory, à la TV des années 70 ?) feraient mieux de la mettre en sourdine, doucement les basses quand l’Histoire parle. Dans le Banquet de Platon, Alcibiade, héros guerrier, un velu, un tatoué, en tout cas un macho couvert de médailles, drague ouvertement Socrate qui n’en peut mais ; le conquérant Alexandre est ouvertement bisexuel (sachant que ce monstre n’existe pas plus que le loup-garou : homo + prétexte de convenance) ; César lui-même, oui Jules, qu’on disait « le mari de toutes les femmes, et la femme de tous les maris »; et Néron, lassé de tant de femmes de sénateurs plus ou moins violées, qui s’abandonnait sans autre gêne aux meilleurs conducteurs de chars du Circus Maximus, autrement dit Ben-Hur…Non, c’est bien le Christianisme naissant, la secte du Nazaréen régulée et codifiée par Paul de Tarse (Nolite conjungere cum infidelibus !) (N’épousez pas d’infidèles…a fortiori pas d’invertis) qui fera de la déviation de Sodome un péché mortel. A tel point qu’aux XIIè-XIIIèmes siècles le crime de « sodomie » sera synonyme d’hérésie, donc d’impiété ; et rétroactivement si je puis dire, toute manifestation hérétique (les Cathares, par exemple) sera stigmatisée comme « sodomite »…C’est pour la même raison que le mot « bougre » a longtemps signifié « pédé »…Pourquoi ? Mais parce que l’ hérésie bulgare bien sûr ! (bulgarum devenant « bougre »); Gilles de Rais ou de Retz, bras droit de Jeanne d’Arc, un des plus grands et vaillants seigneurs du XVème siècle et possesseur d’innombrables terres et châteaux, fut après Jeanne jugé et pendu au premier chef pour « bougrerie », aggravée d’hérésie diabolique et de sorcellerie (tueur en série, il violait et assassinait des centaines d’enfants du voisinage de ses châteaux, au cours de cérémonies en forme de messes noires)…

La droite politique en France, qui croit tout savoir mais ne lit plus assez, n’a jamais rien su de tout cela, sans même parler de la relation fort ambigüe de Jésus et de son apôtre Jean, du moins telle que l’iconographie catholique les représente. Alors bien sûr que la Bible conjugue un homme et une femme. So what ? Quand on voit comment ça marche… Le plus clair, c’est que Paul de Tarse, emporté par son élan prosélyte, n’imagine même pas qu’on puisse vouloir convoler avec un(e) non-chrétien(ne). Alors, en plus, un pédé…Pendant mille ans, que dis-je ? 1300 au moins, un couple femme-femme est demeuré inimaginable : cela se voit pour la première fois nettement dans La religieuse de Diderot, mais sans l’assentiment de l’auteur, il va sans dire – il voit là une corruption inévitable de la vie cloîtrée entre femmes…

En sorte qu’on remonte le temps quand on voit à la télé des petits marquis propres sur eux et les oreilles bien dégagées se donner des petites claques avec les CRS, hurler ensuite qu’on les a gazés comme des blaireaux, et que la République (Hollande) c’est le fascisme. Bien sûr que se faire matraquer et gazer c’est pas dans leurs gènes, mais il n’est jamais trop tard pour apprendre, ça peut servir à leurs descendants. Et quant au fascisme, ils ne savent pas ce qu’ils disent : Mussolini les aurait purgés à l’huile de ricin (effet immédiat garanti), Franco les eût fusillés dans un fossé, et quant à Hitler…En réalité ils sont proches de Pinochet, des généraux argentins, auparavant des colonels grecs qui avaient interdit Sophocle en même temps que Ritsos. La paix qu’ils réclament à grands cris est celle des cimetières, où en effet bien malin qui reconnaîtra un pédé.

Qui s’en souvient ? Je n’étais pas né, mais j’ai vu Visconti, Les damnés, ensuite j’ai appris…Le 30 juin 1934, à l’aube, Hitler en personne, revolver au poing à la tête de ses fidèles troupes SS, décapite et dissout les SA (disons Sections d’assaut) qui l’avaient porté au pouvoir. Pourquoi ? parce que trop prolo/populistes, une alternative qu’il fallait effacer, pour laisser place à l’hitlérisme pur et dur, d’abord anticommuniste, puis antisémite, puis, devinez quoi ? anti-pédés. Car dans cette « Nuit des longs couteaux », certains des lieutenants de Röhm, chef des SA et compagnon de la première heure du Führer, sont surpris en compagnie de très jeunes recrues ; Röhm lui-même sera chargé, outre du chef de trahison, de celui de pédérastie, autant dire bougrerie, passible du bûcher. Plus simplement il sera abattu dans son cachot. Je pense depuis longtemps (je l’ai écrit noir sur blanc dans ma pièce Deux mètres carrés de peau (douce) ), que Hitler était un pédé inavoué qui ne s’ignorait nullement. Ce pourquoi il a persécuté spécialement les homos (triangle rose) plus qu’aucun autre régime totalitaire, Staline et Mao compris (dans la Chine d’aujourd’hui il doit toutefois être clair qu’il n’y a pas un seul pédé ni une seule lesbienne, être encore plus abominable s’il était possible…)

Qu’est-ce qu’ils ont contre l’homophonie, tous ces maniaques de la dissonance – sachant qu’en France un mariage sur deux se termine par un divorce dans les cinq ans ? Ils sont persuadés que Sarkozy en avait (quel Casanova, certes cocu aussi, avec sa collection de canons), et que Hollande n’en a pas vraiment. A voir la façon radicale dont ce dernier a traité les islamistes au Mali, je me méfierais si (ce qu’à Dieu ne plaise) je cherchais comme maintenant l’affrontement sur une cause déjà entendue, et qui ne fait de mal à personne. Le tigre se confond avec le feuillage, et qu’a-t-il à perdre ? Quelqu’un croit-il sérieusement qu’il aura envie de se représenter après ce qui lui arrive de toutes parts ? Messieurs de la droite dure, durcie et durcissante, cachez vos rouges tabliers.

Alain PRAUD

p.s.: Le blog DROITE(S) EXTREME(S) (droitesextremes@gmail.com), bien informé sur ces questions, signale (19/04) un élément intéressant : l’organisateur tactique et logistique des manifs anti-pédés serait un général d’armée à la retraite, Bruno DARY, ancien gouverneur militaire de Paris. Son frère est un administrateur de Secours de France, organisation de défense des détenus OAS, montée en 1961 (ça ne nous rajeunit pas). Dans et autour de cette organisation, on retrouve tous les fossiles du pétainisme recyclés OAS, les Isorni (avocat de Pétain), Trémollet de Villers (avocat de Touvier), G.Bidault et P.Sergent, chefs de l’OAS, terroristes au vrai sens du mot et comploteurs contre la République. Rien que du beau linge, un peu défraîchi (sont tous morts, ou bien crounis comme eût dit Céline, un de leurs copains hélas.) Rien que des fascistes : les morts, et les vivants qui les prolongent.

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