Et in Arcadia ( Office des ardens, 3 )

                                      pour Marie-Christine L.

Souviens-toi de la lumière

Sur le ciment bleui par l’ombre des arbres
Elle courait entre les mains des visiteuses
Sur leurs robes fraîches bruissantes      sur l’immense
Mansuétude du paysage
Et certains jours entre les arbres rouges
De la forêt de nos enfances (terreuse, mutique)
Des doigts de lumière nous palpaient

On en avait après le fenouil sauvage
La vigne rebutée exsangue les cassis
Puissants jusqu’à l’amertume le tabac blond
Les sardines crues sur du journal épais
Paradis mesuré des fusées de glycines
Sur un fourré de vieux lilas ruines de vignes
Vestiges de jardins    notre Rome

Oiseaux oiseaux volaient autour de nous
Oreillers de la chair familière édredons oiseaux

Et sous les châtaigniers dans le couchant octobre
Effleurant les métaux tièdes de leur feuillage
Innombrable (ces métaux on les tient en paume
Ils nous orientent)
                             humant la poudre de l’instant
Aussitôt recouvert de couleur énergique

Nous avons vécu dans des palmeraies
Par grappes tombaient les dattes dans nos pièces de toile
Imprimées   Nos rires s’entendaient de loin
Les filles blotties pouffaient sous leurs voiles
Au centre des cinq jardins nous avions un puits
Penchés sur lui nous chantions à perdre haleine

On  s’ébrouait dans une langue démâtée
Qui avait oublié l’inconfort l’étroitesse
De ce monde aventuré coupant   Une langue
Effusive gorgée de la promesse d’être
Ample fourrée de moments perpétuels
Une langue enfin avait pris possession
Qui brisait avec nous le marbre des choses

Nous arpentions des capitales fraternelles
De vin d’asphalte d’escarboucle
Pareilles à ces vieux cimetières réchauffés de la caresse
Des vivants
                  on courait dans la nuit  les rues à perdre pied
Pour un baiser le scintillement d’une ruche
Et dansant sous la pluie vivants démontés vivants
Toutes les lois sans nous toutes nos vies sans elles
A cru sur des montures de danger les bras chargés de
Roses même pas ingénieuses

Et nous avons donné notre langue à des sphinges
Chamarrées d’insondables mensonges quand
Le monde tenait dans notre poing fermé
Nos songes  flottaient autour de nous suaires
Voluptueux filles garçons roulés ensemble
Criant riant dans une soie de hasard

Oiseaux nous vous aurons chassés en pure perte

Couvrez recouvrez-nous de vos rémiges

Alain PRAUD

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