Souviens-toi de la lumière
Sur le ciment bleui par l’ombre des arbres
Elle courait entre les mains des visiteuses
Sur leurs robes fraîches bruissantes sur l’immense
Mansuétude du paysage
Et certains jours entre les arbres rouges
De la forêt de nos enfances (terreuse, mutique)
Des doigts de lumière nous palpaientOn en avait après le fenouil sauvage
La vigne rebutée exsangue les cassis
Puissants jusqu’à l’amertume le tabac blond
Les sardines crues sur du journal épais
Dans l’armure astiquée de la centrale la vaisselle
Vert bouteille des isolateurs des fusées de glycine
Sur un fourré de vieux lilas (le quartier avait été
Bombardé plus que plaies et bosses ruines de vignes
Vestiges de jardins) paradis mesuréOiseaux oiseaux volaient autour de nous
Oreillers de la chair familière édredons oiseauxSous les vieux châtaigniers dans le couchant octobre
Effleurant les métaux tièdes de leur feuillage
Innombrable (ces métaux on les tient en paume
Ils nous orientent)
humant la poudre de l’instant
Aussitôt recouvert de couleur énergiqueNous avons vécu dans des palmeraies
Par grappes tombaient les dattes dans nos pièces de toile
Imprimées nos rires s’entendaient de loin
Indigo les filles blotties pouffaient sous leurs voiles
Au centre des cinq jardins nous avions un puits
Penchés sur lui nous chantions à perdre haleineOiseaux oiseaux réveillez-nous dans la lumière
Alain PRAUD
Résurgence d’images, fulgurantes, recomposées,
Lorsque l’enfant veut retenir la neige entre ses doigts,
Ne subsiste qu’un peu d’eau qui s’enfuit désespérément
L’envie de rembobiner pour voir, sentir
Encore une fois
Notre hargne ou passion à malaxer les végétaux
Alors acides, aigres ou collants
À nous éblouir de lumières en Technicolor,
De châteaux en béton, réjouissants de modernité
D’oasis fantasmés, de lointains inatteignables
Ne subsiste que des bribes pour nous fasciner encore
Les tritons bricolés au piano du bar
Lèchent nos larmes
Tard, les nuits de combats intérieurs.
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